La thèse: mode d’emploi

juin 26, 2007

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Quand je parcours un peu le web à la recherche de guides de thésard, manuels de doctorants, ou forums divers ; je reviens toujours bredouille…Il y a donc si peu de visibilité de cette espèce – pas si rare – de miséreux étudiants en doctorat ? Libé titre « Thésard, une vie de looser ». Tout un programme… La thèse c’est une succession d’embrouilles en tout genre, un parcours du combattant qui n’est pas pour les petites natures. Il faut, d’abord, trouver un directeur de thèse. Si vous n’êtes pas du genre réseautage ou copinage avec les profs, va falloir s’accrocher… Convaincre, séduire, la jouer fine, être stratégique. 

Une fois que vous avez ferré le poisson, il faut élaborer un plan d’action. Cibler, organiser, engloutir des tonnes et des tonnes de livres et de papiers en tout genre. Devenir papiervore. Vous deviendrez un pro du fluo à triple sceptre, et à vos doigts seront greffés le clavier de l’ordinateur (que parfois vous éclaterez même contre le mur).  

En plus de la logistique attenante au travail de thèse, vous devrez être un grand communicateur. La thèse n’est qu’un objet occulte pour les néophytes. Elle ne leur renvoie rien que la vague idée d’un « mémoire » d’études dans le meilleur des cas, ou d’une dissertation plus ou moins longue (ARGHHHH 600 pages…) dans le pire des cas. A vous d’acclimater votre entourage à l’idée que vous menez un travail de longue haleine, qui n’a vraiment plus rien à voir avec la gentille dissert qu’ils ont pondu au Bac.  

Vous devrez aussi faire preuve d’une grande résistance nerveuse. A vous les journées redondantes de 10, 12, 15 heures de recherche, sous les néons bleus d’un bureau bancal ( de chez vous, du lab, de la bibliothèque, du café d’à coté ?!), où vous devrez appréhender la solitude. Ou l’on s’aperçoit vite que MSN et YAHOO messenger paraissent être au début nos plus fidèles compagnons de route, mais ne sont en fait que de véritables tentateurs… 

Vous découvrirez de grandes joies que vous ne pourrez pas partager … Car finalement, nous sommes les seuls à savoir ce que l’on cherche. Et il y aura des peines monstrueuses que personne ne comprendra (l’ordi qui plante, LA ressource qu’il faut et qui est introuvable, LE terrain qui déraille..etc) 

Et puis, il y aura des moments de doutes tenaces, où l’on devient dégoûté, de ce qu’on lit, de ce que l’on apprend, de cette infinie masse de savoir qui croît au fur et à mesure qu’on la découvre. Dans nos ordinateurs, des fichiers ; dans nos fichiers, des sous fichiers ; et dans nos sous fichiers, des sous sous fichiers, et ad vitam nauseam l’information devient dédale, labyrinthique, soporifique, effrayante, si bien que même dans le sommeil nous ne trouverons plus repos.  

Enfin, bref, me direz vous, alors pourquoi faire une thèse ?Certains feront une thèse pour des raisons purement sociales et carriéristes ( intégrer un système, accéder à certains postes, prétendre à certaines responsabilités). Il ne faut pas se leurrer, à des degrés différents, il y a forcément une logique plus ou moins utilitaire qui sous tend cette ambition. 

Mais il y a aussi, les grands rêveurs, les âmes de chercheurs, les rats de bibliothèque, les solitaires, les tête en l’air, les dévoreurs de livres, les fous d’absolu, les exigeants, les intransigeants, les naïfs, les solaires qui voient dans la thèse une échappatoire à la réalité crue de la vie. Un ami me disait « Tu as du mal à appréhender la vie autrement que par une vie purement intellectuelle ». Je crois qu’il n’a pas tort.  

Une soif d’absolu. Rester hybride. Ne pas choisir. Prolonger infiniment ce délicieux interlude de l’étudiant qui oscille dangereusement entre le monde enfant et le monde adulte, sans jamais choisir.  

Rentrer en doctorat, c’est comme rentrer dans les rangs. C’est une vie de sacerdoce.

Sauf que là, on a plus qu’un seul maître à qui obéir : soi même.Et c’est d’autant plus redoutable.

6 Réponses to “La thèse: mode d’emploi”

  1. Et c’est quand je vois la vie de ceux qui ont réussi leurs études que je me trouve fort heureux d’avoir raté les miennes…

  2. hipparchia said

    Allez… Il y a du plaisir aussi…
    C’est une thèse de quoi ?
    Elle est terminée ?

  3. identites said

    Une thèse de sciences politiques …
    Terminée? J’en suis loin! Tout juste la 1ère année 🙂

  4. Hady Ba said

    Je compatis d’autant mieux que je suis en train de vivre la même vie de looser que toi! Perhaps en pire je fais de la philo qui, comme chacun le sait, ne sert à rien… sauf si l’on veut être philosophe médiatique à la BHL mais là faut surtout pas faire de thèse.

    Je confirme: il y a du plaisir aussi!

  5. identites said

    On est d’accord ( pour BHL) !!
    Et donc, quelle est la finalité de ta thèse? Enseignement? Publication? Ou bien… Rentrer à Dakar ?!
    Mais d’abord, c’est quoi le sujet de ta thèse?

  6. Hady Ba said

    Enseignement et recherche (en fait dans l’ordre inverse) comme finalité. Et rentrer à Dakar surtout: ce pays a financé la majeure partie de mes études alors…
    Sujet: L’interface langage/pensée. Dans une perpective très cognitiviste avec pas mal de linguistique et de logique (Voir le lien que j’ai mis et qui ne renvoit pas à mon blog cette fois).

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