Liban 2006, remember.

juillet 12, 2007

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Un an déja. Mais tout frais en mémoire. 12 juillet la frontière libano-israélienne s’embrase. Deux soldats israéliens sont capturés par le Hezbollah. 13 juillet à l’aube, l’aéroport de Beyrouth est bombardé par Israël. Lever aux aurores. Têtes dans le coltard. Les fêtards que nous étions venions à peine de nous coucher. Ahurris. Hébétés. Les images qui passent en boucle sur CNN, Future, Euronews. Et puis l’escalade. Le petit appart de Hamra devient vite un squatt. On s’y tasse, on fume, on y boit le café scotchés à l’écran. Les uns parlent arabe, les autres français. C’est l’effervescence. Les téléphones sonnent timidement, le réseau a commencé à saturer. Dès ce jour, il faudra parfois faire 100 fois le numéro pour joindre quelqu’un au Liban.

C’est tout de suite surréaliste. La veille nous courions le dancefloor. Aujourd’hui nous sommes repliés dans nos QG. Les boutiques ferment. Les gens se terrent. Un flot d’information permanente émerge en continu des foyers. Et puis c’est l’horreur.

 Bombardements. Vitres qui tremblent, menaçantes. Ciel zébré. Bruit assourdissant et terrifiant des drônes israéliens qui survolent Beyrouth. Bombes. Et le sentiment de peur qui croît. Et d’incompréhension. La guerre? Qui de nous aurait cru la voir un jour…

En quelques heures, en quelques jours, le Liban est enclavé, étouffé. Israël bombarde les routes, les axes vitaux, les voies rapides, les ponts, les échappatoires vers la Syrie, les réservoirs d’essence, une usine de lait, une centrale électrique. Bombes. Blocus des ports et des aéroports, le Liban – alors en haute saison touristique- devient un no man’s land.

Des quartiers résidentiels, des maisons sont bombardées par Tsahal faisant au final plus de 1300 pertes civiles, dont 30% d’enfants. Je ne referais pas l’historique. Voir la chronologie de la guerre ici. Le Liban, pour en parler, il faut comprendre. Pour comprendre il faut lire. Georges Corm par exemple. Je ne lèverais pas la polémique. Les mois qui suivirent la guerre, j’ai pris part à de multiples et tout autant stériles discussions sur cette guerre, le pourquoi de cette guerre. On ne peut plus parler du Liban sans susciter les cris, la révolte, la souffrance. On ne peut plus avoir de regard critique sans passer pour un anti patriote. On ne peut plus essayer de comprendre sans être hués. Alors je ne polémiquerais pas.

Je me contente de me souvenir. De ce jour où nous sommes retournés à Haddath, dans la banlieue sud de Beyrouth, un des quartiers pillonné et ravagé par Tsahal. Je me souviens de ma belle soeur Randa qui tremblait dans la voiture. Je me souviens de Youssef, son mari, qui conduisait à toute allure. Le ciel était sombre. Le quartier venait d’être bombardé. Sur la route, des immeubles en miette, éclatés comme du carton pâte. Des familles survivantes qui crient. Un vent de panique. Des voitures en feu. Un journaliste occidental filme, en état de choc.

Nous retournions chez eux, dans leur maison, sauver ce que l’on pouvait sauver. Les habits du bébé, quelques uns de leurs biens. C’était une ville fantôme. Tous ceux qui avaient pu fuir avaient fui. Et nous chargions tant bien que mal la voiture. Et je les regardais, laisser leur maison à l’abandon. Fuir. Abandonner leur vie. Déserter. Et je regardais le ciel, menaçant. C’était des cieux que tombaient les sentences. On entendait ce bruit sourd, glacial des drônes israéliens, imperturbables. Israël, appliqué conscieusement, sournoisement, à la destruction totale du Liban.

Je me souviens du ferry qui m’a rapatrié quand tous mes proches avaient fui par la Syrie. Je me souviens de Beyrouth, dans le hublot, qui se dissolvait, qui disparaissait derrière nous. Nous, nous étions chanceux. Je pensais à tous ces civils morts, à ces enfants. à Cana, à Dahieh, à Bint Jbeil et à Tyr, la ville de mes ancêtres. Je pensais au Liban que je venais de rencontrer, pour la première fois, et dont je tombais éperdumment amoureuse.

Mes nuits beyrouthines, les meilleures entre toutes. Fièvre, électricité tangible, dance floor en rut… Carpe Diem. Nous dansions comme si demain n’existait pas. Et nos soirées à Jounieh avec Meher, montagne, calme, sérenité, oubli, paix.

Une terre de paradoxes, où la nuit et le jour se défient sans cesse, où 18 communautés religieuses se partagent un pays grand comme un mouchoir de poche, où l’Histoire siège dans chaque sillon de poussière…

Je me souviens d’un Liban fier, vivant, électrique, fougueux, plein de rage et de révolte; d’un Liban de lumière, Phare au coeur de l’obscurcité, détruit sans cesse, reconstruit toujours;

D’un Liban debout. Toujours.

3 Réponses to “Liban 2006, remember.”

  1. Un Liban tel un phenix, mais ne devient on pas fatigue a force de devoir le reconstruire?

  2. okamiren said

    Je ne puis que partager la mémoire. J’ai parfois l’impression que l’humain se fait un devoir d’oublier ce qui ne devrait l’être …

    « Pour comprendre, il faut lire » ; une évidence qu’il est bon de mettre sous la lumière, car elle aussi un peu trop souvent oubliée … encore qu’il n’est pas évident de se forcer à lire « tous » les points de vue, et encore moins de faire l’effort de chercher à les comprendre.
    Sans parler de l’expérience acquise au contact direct, manquant trop souvent de la vue d’ensemble….

    Cependant, votre dernier paragraphe me dérange.

    Parler d’un pays comme d’une personne, c’est déjà perdre contact avec la réalité (un nombre x d’individus pas forcément d’accord, composant ce pays), et donc altérer la mémoire des événements. L’unité nationale est un fantasme psychologique, qui a plus souvent mené à la guerre qu’à la paix.

    Je vous acompagne sur le coté vivant, fougueux, sur la lumière et sur l’étonante capacité de reconstruction … mais la rage et la révolte, bien que nécessaires pour avancer, n’ont été que trop souvent « mémorisées » au détriment d’autres sentiments.
    Le résultat, au Liban ou dans d’autres malheureusement trop nombreux endroits du globe, n’est qu’une succession de générations, noyées dans le conflit par les sentiments de leurs ainés.

    Je me joints à vous pour ce devoir de mémoire, avec l’espoir que les individus libanais, fiers, vivants, fougueux, puissent servir d’exemple à d’autres, quel que soit le drapeau qui leur fasse ombre. Et que la rage et la révolte ne les mènent qu’à la pensée libre, pas au Semtex.

    Respectueusement.

  3. kennza said

    On oublie trop vite… Merci pour ce rappel.

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